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Il existe quelque part en Europe centrale une prairie de bouleaux. Pendant quelques années, cette prairie a été desservie par un embranchement ferroviaire, relié à tout le réseau européen. Pour accéder à la prairie, on refoulait ici :

Puis la voie, aujourd’hui enfouie dans les herbes, s’enfonçait dans les bois par une courbe serrée :

Elle traversait une route :

Ici, un lorry est resté en place :

Là, les lanternes d’aiguille ont subsisté, donnant accès à un faisceau de 3 voies :

Gestes quotidiens de cheminots : on fait la voie, on refoule, on découple, on remet en tête, on attelle, voie libre, on repart. Gestes vieux comme le chemin de fer, répétés tous les jours des millions de fois dans le monde ferroviaire, mais qui prennent ici une signification terrible.

Beaucoup de voyageurs chargés de leurs biens les plus précieux ont emprunté cette ligne. Seuls de rares voyageurs, sans bagages, sont revenus de la prairie des bouleaux. L’aller-simple y était la règle.

Sous un soleil radieux, incongru en ce mois de janvier, je marche dans le plus grand cimetière du monde, sans aucune tombe visible.

Je suis à Birkenau (en allemand : Birken, bouleau, Au : prairie), à la périphérie de la ville polonaise d’Oswiecim, toujours en allemand : Auschwitz :

Je croise un groupe de lycéens allemands. Ils portent des bouquets de fleurs qu’ils déposent çà et là, à l’étang des cendres, devant le Krema II, devant le monument international. Visages fermés, yeux baissés.

« Qui de nous veille de cet étrange observatoire pour nous avertir de la venue des nouveaux bourreaux?
Ont-ils vraiment un autre visage que le nôtre?
[…]
Il y a nous qui regardons sincèrement ces ruines,
Comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres,
Qui feignons de reprendre espoir devant cette image qui s’éloigne,
Comme si on guérissait de la peste concentrationnaire,
Nous qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays,
Et qui ne pensons pas à regarder autour de nous et qui n’entendons pas qu’on crie sans fin. »

Texte de Jean Cayrol, extrait du film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais (1956).

Mai 1944 à Auschwitz : arrivée d’un train en provenance de Hongrie. L’officier SS au premier plan procédait à la « sélection ». Un simple geste devant chaque déporté : pouce à droite, la chambre à gaz, immédiatement. Pouce à gauche : le travail au camp, un sursis de quelques mois, semaines ou… jours avant de prendre le même chemin.

Tous les ouvrages consacrés à l’histoire des chemins de fer suisses commencent plus ou moins, et pour cause, par : « la première ligne de chemin de fer en suisse fut inaugurée le 7 août 1847, elle reliait Zürich à Baden et portait le nom de Spanischbrötlibahn, ou ligne des petits pains espagnols ». Malheureusement, craignant probablement le hors sujet, les historiens ferroviaires omettent généralement d’indiquer ce que sont ces fameux « Spanischbrötli ».

Baden 1847

Baden SBB 2011

Les « petits pains espagnols » sont une spécialité patissière de Baden, Argovie, hautement appréciée par la bonne société Zürichoise du 18e siècle. A l’époque, c’est une pâte feuilletée de forme carrée de 9x9cm que l’on déguste sortie du four. L’anecdote rapporte que les notables de la ville de Zwingli n’hésitaient pas – en ces temps de réglementation du travail inexistante – à envoyer leurs domestiques accomplir de nuit l’aller-retour Zürich-Baden (50km quand même) pour avoir le privilège de déguster les petits pains Badenois frais au petit-déjeûner. De ce point de vue, le chemin de fer constitua une amélioration indéniable des conditions de vie de la domesticité.

Mais la ville de Baden, plus préoccupée par ses eaux sulfureuses et son industrie électromécanique, négligea la spécialité qui fit sa renommée. Les petits pains espagnols tombèrent dans l’oubli. Et il faut attendre 2007 pour que plusieurs boulangers de la ville relancent le Spanischbrötli sous une forme modernisée avec un fourrage constitué de carotte et noisette.

Cette renaissance reste cependant discrète : mes collègues de Baden ignoraient leur existence, ou peut-être s’agissait t’il d’un secret à ne pas partager avec un ausländer :-). Après quelques recherches sur Internet et dans la vieille ville, c’est finalement chez Moser’s sur la Schlossbergplatz, au pied de la tour de l’horloge, que je fis affaire :

Pour 3,70 CHF, j’ai pu déguster la version sucrée : carotte + noisette saupoudrée de sucre glace, aux dimensions canoniques de 90 x 90mm :

Le voile s’était enfin levé sur un pan de l’histoire ferroviaire de la Suisse…

« The Book » pour le petit cercle des initiés, mânes du « Sorcier de Monterey » John Allen, c’est « LE » livre de référence sur le Gorre & Daphetid RR écrit par son ami Linn H. Westcott, rédacteur en chef de la revue Model Railroader.

Model Railroading with John Allen publié en 1981 chez Kalmbach est à la fois une biographie de John Allen et une description détaillée de l’oeuvre de sa vie : le G&D RR, conçu et réalisé à partir de 1949, et détruit par un incendie accidentel une semaine après la mort de son auteur en 1973. L’ouvrage original de 144 pages était abondamment illustré de photos de John, qui avaient échappées miraculeusement au sinistre. (Sur Cielo Vista Terrace et le G&D RR, voir cette entrée en date du 1er août 2009).

« The Book » fut réédité deux fois en 1982 et 1996 par Kalmbach. Malgré une demande forte et deux traductions en français et en japonais, l’éditeur de Waukesha, Wisconsin, se refusa à publier une quatrième édition, prétextant l’obsolescence du procédé de photocomposition qui aurait nécessité une refonte intégrale du livre. Inutile de dire que cette politique provoqua une augmentation de la cote du l’ouvrage sur le marché de l’occasion (un phénomène qui n’est pas sans rappeler la flambée des prix du Tome II de la RGS Story de Collman/MacCoy – Telluride, Pandora and the Mines Above, qui a atteint des sommets jusqu’à sa réédition en 2002). Une inflation attisée par le regain d’intérêt pour l’oeuvre de John Allen suscitée par la mise en ligne de nombreux documents inédits sur le site Web du G&D Reminiscence Project.

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C’est Benchmark Publications, éditeur de la Narrow Gauge Gazette, qui va tuer la spéculation. Bob Hayden a coordonné la réédition de l’ouvrage. Les 144 premières pages reproduisent l’édition originale de 1981 avec quelques corrections çà et là, puis l’on trouve 15 pages additionnelles marquées « Postcript 2011 ». Cet addenda présente les photos publicitaires réalisées par John Allen pour les catalogues du fabricant Pacific Fast Mail, photos de locomotives prises sur le G&D RR, suivies d’une liste des articles et photos publiés par John dans différents magazines (mais qui omet les photos publiées en France par Modèles Ferroviaires entre 1949 et 1952, à l’époque du premier G&D et de son extension en HOn3, le Helengon RR, construit à Monterey dans sa maison de Irving Street).

Faut-il racheter la nouvelle édition ? Si vous ne connaissez pas John Allen et le G&D RR (et que vous connaissez un peu d’anglais), il faut lire ce livre – passionnant même si l’on est pas un amateur de train US (et même si – avis personnel – le style du G&D RR peut faire un peu daté à côté de réalisations plus récentes, comme le Pelican Bay RR de Paul Scoles). Je me souviens l’avoir lu presque entièrement au cours d’un seul voyage Paris-Clamecy en 1988, une des rares fois où j’ai apprécié la lenteur légendaire des Express du Morvan ! Si vous possédez une des éditions Kalmbach, la question mérite réflexion, l’addenda n’étant pas totalement indispensable. Je me suis laissé tenter cependant car mon exemplaire de 1981, broché, est un peu usé à force d’avoir été consulté et l’édition cartonnée de Benchmark Publications est de très bonne facture.

Prix constaté en VPC US: 56 USD + Ports/Taxes. Logo style G&D RR « Remembering John Allen / Benchmark Publications Expanded Edition » sur la couverture.

Depuis le trottoir roulant de l’Exposition Universelle de 1900 à Paris au Never-Stop Railway de l’exposition de Wembley en 1925 (précurseur du POMA 2000) en passant par le chemin de fer glissant système Girard de l’Exposition de 1889 aux Invalides, les foires-expositions ont toujours été le lieu privilégié des transports hectométriques innovants. Mais que penser du train-toboggan (traduction approximative de l’allemand Gleitbahn) qui desservait l’Exposition Cantonale Agricole de Zürich (Züka) en 1947 ?

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Construit en viaduc sur le lac de Zürich au niveau du Mythenquai, le train-toboggan tient plus de la montagne russe de fête foraine que du transport futuriste. Peu de détails subsistent sur son fonctionnement, mais il semble que l’on retrouve un classique « lift » de roller-coaster qui élève les wagonnets jusqu’à un point haut avant leur redescente par gravité.

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De loin, avec leur capote, les wagonnets ressemblent à des carrosseries de Ford T. On notera le caractère léger (et provisoire) de la superstructure construite intégralement en bois.

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Essayé aujourd’hui un court tronçon du sentier de la rampe Sud du BLS, entre Eggerberg et Lalden. Ce sentier avait servi à la construction de la grande descente du Bern-Lötschberg-Simplon de Goppenstein à Brigue. Transformé en sentier de randonnée très fréquenté, ce sentier offre des vues imprenables sur la ligne du BLS, la vallée du Rhône et les lignes CFF et MGB (Materhorn-Gornergrat-Bahn).

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Montée en voiture (difficile car la route est très très étroite) jusqu’à la gare de Lalden, juste à temps pour prendre le train Regio de 14.41 pour Spiez, assuré par une rame « Lötschberger » type RABe 535 :

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Deux minutes plus tard (!), arrivée en gare de Eggerberg. Il nous faudra 50 minutes pour rejoindre la gare de Lalden…

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Le village d’Eggerberg, à flanc de montagne, face à Viège (Visp)

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Rencontre avec la faune locale, en charge de l’entretien des talus du BLS 🙂 :

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Le trafic sur la rampe Sud du BLS a considérablement diminué depuis l’ouverture du tunnel de base du Lötschberg. Les rames « Lötschberger » assurent une desserte à l’heure sur la ligne sommitale Brig-Spiez.

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En contrebas, dans la vallée du Rhöne, croisement d’un train Regio des CFF et d’une rame du MGB à voie métrique à destination de Brigue :

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Voie du BLS et sentier jouent à saute-mouton :

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Une passerelle a été ajoutée sur certains viaducs pour le passage du sentier (disposition similaire à celle du viaduc de Wiesen sur les RhB) :

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Arrivée à Lalden.

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Halte pour la nuit à Bishop (pop. 3575), dans la Owens Valley, à 1264m d’altitude au pied de la Sierra Nevada. Ambiance « Main Street USA » garantie :

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Dîner chez Bar-B-Q Bill’s, un authentique « diner ». Bonne tambouille, prix modérés. Evidemment l’ambiance est un peu différente de celle du breakfast au Polo Lounge de Beverly Hills quitté le matin même, mais tout aussi sympathique :

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Pas de « diner » sans sa Bud, son Coke, sa bouteille de Tabasco et son distributeur de serviettes en papier…

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Petite pause au MacDo de Mojave, le seul que nous visiterons au cours de notre périple ! Mais nous avions une bonne excuse : vue imprenable sur les convois venant faire une pause après la longue rampe depuis Bakersfield (ici le convoi de semi-remorques UPS vu à Tehachapi 30 minutes avant, voir précédent post) :

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Jadis, Mojave était le terminus pour les trains de mules chargés de borax en provenance de la Vallée de la Mort. De nos jours, les équidés ont été remplacés par les C44-9W du BNSF :

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Plein à la station service à la sortie nord de Mojave, juste au moment un convoi s’élance vers Searles, sur ce qui reste de la Jawbone Branch, avec en arrière plan les « queues blanches » stationnées sur l’aéroport de Chaffee :

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Plein nord vers la Owens Valley. Non loin d’ici se situait le camp d’internement de Manzanar où furent internés pendant la Seconde Guerre Mondiale près de 10 000 américains d’origine japonaise :

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Depuis des années, à longueur de forum ferroviaire, quelques passionnés chantent les louanges de la boucle de Tehachapi, selon eux une sorte de Shangri-La du rail. Quittant Los Angeles pour le nord-est via Mojave, nous avons fait bien évidemment un petit détour pour constater de visu.

C’est effectivement un bon endroit de spotting pour les amateurs de gros diésels modernes, luttant avec une rampe de 2,8%, comme cette ES44DC du BNSF, qui se partage avec l’Union Pacific les rails de cette ligne de l’ancien Southern Pacific :

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Malheureusement, crise oblige, les trains ont été raccourcis et le dernier wagon de ce convoi de remorques UPS entre de justesse dans le tunnel n°9 au moment où les locomotives de tête « bouclent la boucle » vingt mètres plus haut :

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« So what? » Hormis le spotting, et quelques contacts au bord de la piste avec des railfans locaux sympas qui m’ont indiqué quelques bons coins : le site de Tehachapi m’a un peu déçu. Pas de prouesses particulières en matière de génie civil (la ligne avait d’ailleurs été construite à l’économie),

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Le site n’a pas le charme de la boucle de Brusio sur la ligne de la Bernina ou le célèbre « Agony Point » (boucle n°2) du Darjeeling-Himalaya :

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ni l’importance historique de la ligne de l’Albula, chef d’oeuvre technique, elle aussi toute en boucles, et classée désormais au Patrimoine de l’humanité :

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Blasé ? Peut-être. Disons que je n’ai pas ressenti un urgent besoin de reproduire le site au 1/160e en plein milieu de mon salon, et que, peut-être, le site a été un peu « oversold » (survendu) des deux côtés de l’Atlantique. Mais n’est-ce pas le propre des passionnés que d’être excessifs ? 😉

Photos (c) 2009 par Frédéric Delaitre et Collection FD.