Archive pour septembre 2011

Pendulaire régulier sur les lignes de la banlieue de Zürich en Suisse, j’avais comme beaucoup remarqué ces étranges inscriptions sur le pignon d’un immeuble en sortie de la gare d’Oerlikon, en direction du Flughafen Zürich. La vitesse, le rideau d’arbres et le mur antibruit ne permettent de lire que les premières lignes qui commencent par : How to work better (Comment travailler mieux).

Suit une liste de conseils :

1 Do one thing at a time.

2 Know the problem

3 Learn to listen

En voyageant dans la salle supérieure des rames à 2 niveaux Re 450 du S-Bahn ZVV, on peut encore apercevoir par-dessus le mur :

4 Learn to ask questions

Après une enquête superficielle et trompeuse, je découvris que l’immeuble en question abritait les départements de psychologie et d’informatique de l’Université de Zürich-Nord. Quoi de plus normal après tout que de dispenser ces judicieux conseils aux étudiants ? De retour du travail par une belle soirée de début d’automne, je descendais du tram n° 10 à Oerlikon-Ost pour lire la suite du message. L’endroit est situé dans une impasse donnant sur la Binzmühlestrasse, juste après être passé sous le pont-rail CFF :

Le reste de la liste s’établit comme suit :

5 Distinguish sense from nonsense

6 Accept change as inevitable

7 Admit mistakes

8 Say it simply

9 Be calm

10 Smile

La liste complète photographiée, le dossier était bouclé et je pouvais m’en retourner l’esprit apaisé. Mais quelque chose ne tournait pas rond. S’il s’agissait d’une admonestation aux étudiants de l’Université, pourquoi l’avoir placé dans un endroit invisible du public (l’entrée de l’Université se situe plus loin dans la Allmannstrasse) ? Pourquoi cette typographie si particulière, comme faite au pochoir ? En outre, cette combinaison architecture+typographie me rappelait certains travaux d’élèves du Bauhaus.

Après une enquête plus approfondie, « How to work better », que je prenais initialement pour une sorte de « Mané, Thécel, Pharès » postmoderne à l’usage exclusif des étudiants et des ingénieurs et cadres usagers de la ZVV (Zürich Verkehrs Verein – la RATP locale) se révèle être une oeuvre d’art, à la fois installation et manifeste de deux artistes zurichois Peter Fischli (né en 1952) et David Weiss (né en 1946). Ce duo utilise dans son travail la photo, le film, la sculpture. Le père de Peter Fischli, Hans (1909-1989), architecte, était un ancien élève du Bauhaus de Dessau, une école qui attachait une grande importance à l’architecture… et à la typographie. Le jeune Peter a d’ailleurs passé une partie de sa jeunesse dans la maison familiale de Melien en Suisse, construite dans le plus pur style « Bauhaus ».

Les dix points du manifeste de Fischli/Weiss semblent être directement extraits d’un self-help book pondu par un gourou américain du management, genre best selling author sur Amazon.com et conférencier à 20000 dollars de la soirée. En réalité, Fischli/Weiss ont pris en photo en 1990 ce texte écrit sur une pancarte placée dans une usine de poterie en.. Thaïlande, sous une forme bilingue anglais/thaï. Cette photo a été placée en ouverture de plusieurs expositions consacrées aux deux artistes à la Tate Gallery à Londres, à la Kunsthalle de Bâle et à la Kunsthaus de Zürich. A une date indéterminée, probablement vers 2007, le manifeste a été reproduit au format 20m x 4m sur le pignon ouest de l’immeuble de l’Université de Zürich-Nord.

Le manifeste de Fischli/Weiss a fait l’objet de nombreuses exégèses. Selon Ryan Gander, le manifeste promeut la supériorité de la pratique artistique sur la production artistique. D’autres ont relevé l’aspect oriental et Zen des 3 dernières propositions (Say it simply, Be calm, Smile). D’autres enfin ont souligné le caractère universel du manifeste, applicable à toutes les activités humaines. Ce dernier point est particulièrement pertinent. En particulier : à la lecture des dernières polémiques lues sur les forums ferroviaires français, beaucoup de ferroviphiles gagneraient à appliquer les points 8, 9 et 10 du manifeste de Fischli/Weiss 🙂

Wir fahr’n, fahr’n, fahr’n auf der Polybahn…

– avec mes excuses à Kraftwerk 🙂

Deux petites vidéos sans prétention (réalisées avec l’APN emprunté à ma fille 😉 – à refaire un jour peut-être avec un camescope HD et un Steadycam) qui tentent de restituer l’ambiance d’un voyage sur le Polybahn de Zürich par une belle soirée d’automne.

Up :

[flv width= »512″ height= »440″]http://www.fdelaitre.org/video/Polybahn_Up.flv[/flv]

Down :

[flv width= »512″ height= »410″]http://www.fdelaitre.org/video/Polybahn_Down.flv[/flv]

Le Polybahn a aussi son charme en hiver. Par une soirée glaciale, n’hésitez pas à vous installer sur la plateforme extérieure, à l’avant, sur la gauche. La montée dans l’obscurité et le silence – à peine troublé par les cloches lointaines de la Predigerkirche, de la Fraumünsterkirche ou du Grossmünster  appelant au culte du soir et le zonzonnement du câble dans les  poulies du funiculaire – est une expérience magique.

En attendant le tram n°10 : lever de soleil automnal sur Glattpark près de Zürich.

L’actuel propriétaire du 9, Cielo Vista Terrace à Monterey, Californie – le lieu mythique où John Allen construisit pendant plus de 25 ans son Gorre & Daphedid Railroad – vient de mettre en location la maison. Si vous ne fumez pas, si vous n’avez pas d’animal domestique et si vous disposez de 2100 USD par mois à consacrer au loyer, cette maison est faite pour vous !

L’agence immobilière a mis en ligne quelques photos intéressantes de l’intérieur de la maison dans son état actuel. Dans le salon, il me semble que la cheminée est contemporaine de John Allen. Le Gorre & Daphetid était situé à l’étage en dessous, dans un sous-sol transformé désormais en buanderie.

On découvre également que John Allen avait une belle vue sur la baie de Monterey (mais aussi sur la Highway 1 qui passe en contrebas :-():


Pour avoir visité les alentours en 2009, je peux certifier que la maison est bien cachée derrière une immense haie le long de la  la rue (qui de plus est en impasse) : tranquillité assurée :


Etat août 2009 – Photo FD.

Souhaitons que le futur locataire soit un modéliste ferroviaire et qu’il y ait de nouveau, après 38 ans d’absence, des trains miniatures au 9, Cielo Vista Terrace.