Articles avec le tag ‘Bernina’

Quelques lecteurs attentifs de ce Blog se sont interrogés sur « l’effet Hakone » auquel je faisais allusion dans mon post du 27 juillet 2011 : Reserviert!

Hakone est une ville du Japon située non loin de Tokyo, à proximité du Mont Fuji. Dans cette région touristique, une ligne de chemin de fer à voie normale (mais anormale pour le Japon) de 1,435m relie depuis 1919 Hakone (27m d’alituitude) au site de Gora (553m d’altitude) : le Hakone-Tozan Railway. Bien que située dans une région montagneuse de la côte est du Japon et ayant à affronter des rampes de 8%, cette ligne de 15km est à adhérence sur la totalité de son parcours.

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Une automotrice série 1000 type « Bernina » du Hakone-Tozan au milieu des hydrangéas.
(Photo Hakone-Tozan Railway)

Selon l’histoire officielle rapportée par les Chemins de fer Rhétiques, un ingénieur japonais du nom de Handa en charge de la construction de la ligne de Hakone aurait effectué en 1912 un voyage d’étude en Suisse sur la ligne de la Bernina. Cette dernière avec ses 61km de long, ses 1824m de dénivelée (Ospizio Bernina-Tirano) et ses rampes de 7% franchies sans crémaillère pouvait effectivement constituer une référence technique intéressante.

En 1979, les services commerciaux des Chemins de fer Rhétiques à Chur (Coire) brodèrent quelque peu à partir de cette anecdote et firent du Hakone-Tozan Railway le fils spirituel du Berninabahn. Une filiation quelque peu exagérée, d’autant que le Hakone ne reprend aucune des caractéristiques techniques de la Bernina. Entre autres, le Hakone utilise la technique du « Z » – deux rebroussements successifs sur le parcours – pour venir à bout de la dénivelée, ce qui en ferait plutôt un fils putatif du Froissy-Cappy-Dompierre 😉 Qu’à cela ne tienne, business is business et à partir de ce lien ténu, les directions des deux réseaux RhB et Hakone conclurent un « jumelage ». Si les effets de ce jumelage restent discrets au Hakone-Tozan Railway où les automotrices série 1000 et 2000 y furent respectivement dénommées « Bernina » et « Saint-Moritz », on a plutôt bien fait les choses côté RhB, avec par exemple des inscriptions en japonais en gare de St. Moritz

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ou le pelliculage de la Ge 4/4 II n°622 (toujours en gare de St. Moritz le 10.08.2011)

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Ceci constituant la partie visible du jumelage, sans oublier la prolifération des voitures réservées aux groupes de touristes en provenance de l’Empire du Soleil-levant. Mais les temps changent. Le Japon s’enfonce dans la crise et la moyenne d’âge des visiteurs nippons dans l’Engadine augmente dangereusement jusqu’à frôler la limite biologique. Il va falloir trouver de nouveaux gisements de touristes en Asie.

J’attends avec impatience de savoir quelle ligne chinoise sera choisie par les commerciaux du n°25 de la Bahnhofstrasse à Chur pour le prochain jumelage ;-).

 

Véritable plaie que la prolifération des voitures réservées sur la ligne de la Bernina.

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Certes, la pratique de réserver une voiture entière sur la totalité ou un tronçon d’un parcours est courante en Suisse. Il n’est pas rare de voir le matin à Zürich Hauptbahnhof une ou deux voitures supplémentaires attelées en tête d’un train Regio vers Bâle ou Berne, réservées pour un groupe touristique ou une Verein locale. Mais ce ou ces voitures viennent en complément de la composition normale de la rame.

Les Chemins de fer rhétiques, que l’on a connu mieux organisés, préfèrent réserver la quasi-totalité d’un train pour les agences de voyages, majoritairement japonaises (effet « Hakone »). Ce qui fait que sur une composition normale Bernina : automotrice Allegra + 6 voitures + un ou deux wagons de marchandises, les 6 voitures sont réservées aux groupes tandis que le voyageur lambda doit s’entasser avec VTTistes et vélos boueux dans l’automotrice Allegra.

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Cette dernière, quoiqu’en apparence spacieuse, prend alors rapidement l’allure du S-Bahn (RER) de Zürich aux heures de pointe. Impression encore renforcée par la présence d’écrans plats d’affichage de la ligne :

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Luxueux mais bondé.

Cette pratique devient franchement contestable lorsque le chef de train – faute de panneaux « Reserviert » en nombre suffisant – condamne à grands coups de clé de Berne les voitures réservées : portes et intercirculations (à croire que les morts de la catastrophe de Meudon du 8 mai 1842 n’ont servi à rien). Nous nous sommes ainsi retrouvés ce matin faute d’indications coincés sur une plateforme d’une voiture mixte, le gentil contrôleur ayant condamné la porte de séparation 1e/2e classe malgré la présence de passagers dans le compartiment de 1e classe. L’employé du RhB nous fit d’ailleurs comprendre en termes non équivoques que notre présence dans cette voiture n’était pas souhaitable et nous conseilla fermement d’aller piquer un sprint en tête du train dès l’arrêt suivant – Morteratsch – rejoindre d’autres infortunés voyageurs entassés dans l’automotrice Allegra. Le sprint en question faillit se transformer en épopée guerrière façon « Rashomon » lorsque sur le quai de Morteratsch notre progression fut stoppée par une nuée de touristes japonais affolés courant en sens inverse à la recherche de leur voiture réservée…

Amère conclusion pour un ferroviphile : pour passer le col de la Bernina en toute sérénité à la haute saison, prenez le Car Postal. 🙁

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Retour dans les Grisons pour les vacances, et première promenade de remise en jambes sur les bords du Lago Bianco. Le sentier entre Ospizio Bernina et Diavolezza (Tal Station) est à recommander au ferroviphile car il offre de nombreux ponts de vue sur la ligne de la Bernina, accrochée à cet endroit aux rives du Lago Bianco. Seule contrainte pour ce sentier : ne pas être allergique aux bouses de vaches et aux VTTistes décérébrés, fort nombreux sur ces pentes, hélas…

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Le Bernina Express arrive à Ospizio Bernina (altitude 2253m)

Il y a déjà 40 ans, alors très jeune abonné à la Vie du Rail, je découvrais le réseau spectaculaire et très complexe des Chemins de fer Rhétiques dans le numéro 1230, qui annonçait :

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Symbole de cette modernisation : l’automotrice ABe 4/4 II (construction 1964-65) qui posait fièrement en gare de Cavaglia, tractant une rame encore aux couleurs vertes des Rhétiques. Cette modernisation n’a pas cessé et notre automotrice s’est vue elle aussi remplacée par des engins plus modernes. Dernière série en date : les automotrices bi-courant « Allegra » :

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ont renvoyé les ABe 4/4 II, ex-reines de la Bernina, aux tâches obscures mais ô combien indispensables, de la traction des trains de travaux.

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ABe 4/4 II n°47 à Ospizio Bernina, 27.07.2011.