Ils disaient que les MOOC (prononcer « mouque ») allaient révolutionner le monde de l’enseignement, que le savoir des plus grandes universités mondiales serait à la disposition de tous, gratuitement, sans distinction de race, nationalité, de condition sociale, de lieu de résidence, etc. Les MOOC allaient être la solution à tous les problèmes de la planète, (et, soyons fous, peut-être des candidats enfin sérieux pour le  Prix Nobel de la Paix ?). MOOC était décidément le buzz word de l’année 2012, et même plus…

MOOC_Hysteria

Qu’en est-il vraiment ? Pour le savoir, j’ai fait l’expérience d’un MOOC ( Massive Only Open Courses, ou cours en ligne ouvert et massif) : l’Introduction to Databases proposé par l’Université de Stanford en Californie, sous la direction du Professeur Jennifer Widom, Chair du Computer Science Department. Un essai couronné de succès, puisqu’après deux mois d’efforts, je me vois attribuer un Certificat d’accomplissement – avec distinction , s’il vous plaît ! 🙂

Statement of Distinction

Une aventure passionnante, mais éprouvante, qui  commença par une sombre soirée d’automne 2012 dans la pizzeria qui me sert de quartier général à Zürich (Tre Cucine), attendant une pizza carbonara en lisant le n°1855 de Courrier International qui titrait en première page :

Courrier-International-1148

Havard pour tous + Révolution, tout cela semblait être un concept-produit à la Séguéla. Trop beau pour être vrai. D’autant que le MIT (Massachussetts Institute of Technology) avait mis en ligne ses cours il y a dix ans déjà dans le cadre du projet OpenCourseWare ; et le résultat avait été – de mon point de vue – décevant : cours incomplets, présentations Powerpoint peu explicites, absence d’exercices interactifs, etc.

A mon retour à Paris, c’est donc avec une certaine circonspection que je me suis inscrit via Coursera au cours du Professeur Widom. Mon choix s’est porté sur « Introduction to Databases »  pour 3 raisons :

  1. ce MOOC était organisé par Stanford, une Université que nous avions eu l’occasion de visiter à deux reprises en 2009 et 2012,;
  2. bien qu’ayant été ingénieur logiciel au tout début de ma carrière, je n’avais eu guère pratiqué les bases de données, et comme le souligne justement le Professeur Widom dans sa leçon inaugurale : nous utilisons (au moins) toutes les heures une base de données;
  3. Stanford avait été fondé par le créateur du Central Pacific : Leland Stanford, ferroviphilie aigüe oblige, je me devais de lui donner une préférence :-).

Stanford a développé sa propre application MOOC : Class2Go. L’inscription via Coursera redirige vers cette plateforme. Les étudiants enregistrés ont accès au planning hebdomadaire :

Aux vidéos du cours enregistrées par le professeur Widom :

MOOC_Video

Le cours lui-même s’étend sur 10 semaines. Chaque semaine sont proposé des vidéos, des quizz, des exercices comptant dans la note finale et des exercices facultatifs, non notés. Chaque étudiant peut progresser à son rythme, mais les devoirs sont à faire à l’heure dite (le Professeur Widom étant réputée très stricte sur les dates de remise, que ce soit In-real-life qu’On-Line). Les quizz et les examens consistent en des questionnaires à choix multiples classiques :

Quizz

Les exercices sont proposés de manière interactive, particulièrement intéressante. Les étudiants sont invités à écrire le code correspondant à la requête (SQL, XML, JSON, etc.), qui est ensuite appliquée à la base de données proposée dans l’exercice, et comparée au résultat attendu :

Exercice

La plateforme  incorpore aussi un forum de discussion réservé aux étudiants du cours : espace d’entraide, de discussions, de conseils. Et petite vanité de voir dans le profil du Forum son nom associé à une prestigieuse Université 🙂
Forum

Sous votre nom, vous êtes invité à indiquer une phrase « qui vous décrit le mieux ». Mon « Let every step be an advance » est une référence ferroviaire américaine. (Intrigué ? Réponse sur ce blog dans quelque temps…)

Un premier bilan – au bout de 10 semaines, le taux d’attrition est absolument énorme :

MOOC_Stats

Sur les 64127 inscrits, seulement 7,6% des étudiants recevront le Statement of Accomplishment (et 3% avec la mention With Distinction). Un tiers aura fait au moins un des exercices proposés. MOOC = massif, certes, mais surtout à l’inscription. La comparaison vaut ce qu’elle vaut, mais l’ordre de grandeur est similaire à celui entre le nombre de postulants à Stanford (36 662 en 2012 pour 2422 admis) et le nombre de diplômés : 1767, soit 4,8% du total des postulants.

Bien évidemment, une motivation en béton-armé est nécessaire pour suivre avec succès un MOOC. Tous ceux qui ont suivi des cours du soir le savent bien : difficile de combiner vie professionnelle, vie familiale et éventuellement associative avec un enseignement de niveau universitaire. Comme il est dur de s’attaquer aux subtilités de la forme normale de Boyce -Codd quand l’intégrale en DVD de « The West Wing » vous attend dans votre salon ! Enfin, l’intitulé du cours « Introduction to Databases » peut s’avérer trompeur. Introduction, certes, mais de solides bases en informatique sont quand même nécessaires. Avoir été lycéen dans les années 1970 en France, du temps des fameuses « mathématiques modernes » (souvenez-vous des Diagrammes de Venn 🙂 ), s’est révélé être aussi une aide précieuse pour la partie « Algèbre relationnelle ».

Quel avenir pour les MOOC ? Un an et demi après leur lancement, les MOOC sont à la croisée des chemins. Du côté des pionniers, les héros sont fatigués. Le professeur Widom avoue elle-même qu’elle n’a plus l’enthousiasme des débuts pour animer les sessions de son cours On-line. Un signe : les participants à la première édition de « Introduction to Databases » eurent droit à des vidéos additionnelles, intitulées « Discussions au coin du feu » avec Jennifer Widom, destinées à clarifier certains points du cours et – surtout – remotiver les troupes. Les étudiants de ma « promotion » n’eurent droit qu’à quelques « Office hours » avec le Teaching Assistant Garrett Schlesinger au moment des Mid-Terms et Final exams – fort utiles au demeurant (Thanks Garrett !).

Autre problème posé par les MOOC : à distance, il n’y a aucun moyen de savoir si l’étudiant inscrit au cours est bien celui qui a fait les exercices et passé les examens. Conséquence : il est bien précisé sur le Statement of Accomplishment remis aux étudiants qui ont obtenu les notes requises que ce document n’est pas un diplôme officiel de l’Université. Une solution pourrait être de convoquer les participants dans des Centres d’examen pour des épreuves surveillées, donnant droit à UV, comme cela a été mis en place par l’Université de Munich. Mais pas simple quand les étudiants proviennent de 110 pays…

Enfin, le modèle économique reste à définir. Si Stanford, Harvard et le MIT ont les moyens financiers de lancer et de maintenir des MOOC, il est peu probable que ces précurseurs vont tuer la poule aux oeufs d’or. A quoi bon payer 60 000 USD par an à Stanford si il est possible d’obtenir un diplôme de cette prestigieuse université depuis chez soi pour le prix d’une connexion Internet ?

Quel que soit le devenir des MOOCs, c’est une expérience passionnante à vivre pour tout amateur de travail intellectuel. A l’issue du cours sur les bases de données, je me suis inscrit dans la foulée au cours du Professeur Scott Klemmer « Human-Computer Interaction« , toujours à Stanford, consacré à la conception et à l’ergonomie des interfaces homme-machine :

HCI

Avec un peu de chance, mon site Web devrait s’améliorer un peu dans les mois à venir. Merci aux MOOC ! 🙂

 

 

 

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